Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/401

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Au sang d’un Espagnol je ferais grâce entière ;
Mais parmi vos Romains je prends peu garde au sang,
Quand j’y vois la vertu prendre le plus haut rang.
Vous, si vous haïssez comme eux le nom de Reine,
Regardez-moi, Seigneur, comme dame Romaine :
Le droit de bourgeoisie à nos peuples donné
Ne perd rien de son prix sur un front couronné.
Sous ce titre adoptif, étant ce que vous êtes,
Je pense bien valoir une de mes sujettes ;
Et si quelque Romaine a causé vos refus,
Je suis tout ce qu’elle est, et reine encor de plus.
Peut-être la pitié d’une illustre misère…

Sertorius
Je vous entends, madame, et pour ne vous rien taire,
J’avouerai qu’Aristie…

Viriate
—————————Elle nous a tout dit :
Je sais ce qu’elle espère et ce qu’on vous écrit.
Sans y perdre de temps, ouvrez votre pensée.

Sertorius
Au seul bien de la cause elle est intéressée ;
Mais puisque pour ôter l’Espagne à nos tyrans,
Nous prenons, vous et moi, des chemins différents,
De grâce, examinez le commun avantage,
Et jugez ce que doit un généreux courage.
Je trahirais, Madame, et vous et vos États,
De voir un tel secours, et ne l’accepter pas ;
Mais ce même secours deviendrait notre perte
S’il nous ôtait la main que vous m’avez offerte,
Et qu’un destin jaloux de nos communs desseins
Jetât ce grand dépôt en de mauvaises mains.
Je tiens Sylla perdu, si vous laissez unie
À ce puissant renfort votre Lusitanie.
Mais vous pouvez enfin dépendre d’un époux,