Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/402

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Et le seul Perpenna peut m’assurer de vous.
Voyez ce qu’il a fait : je lui dois tant, madame,
Qu’une juste prière en faveur de sa flamme…

Viriate
Si vous lui devez tant, ne me devez-vous rien ?
Et lui faut-il payer vos dettes de mon bien ?
Après que ma couronne a garanti vos têtes,
Ne mérité-je point de part en vos conquêtes ?
Ne vous ai-je servi que pour servir toujours,
Et m’assurer des fers par mon propre secours ?
Ne vous y trompez pas : si Perpenna m’épouse,
Du pouvoir souverain je deviendrai jalouse,
Et le rendrai moi-même assez entreprenant
Pour ne vous pas laisser un roi pour lieutenant.
Je vous avouerai plus : à qui que je me donne,
Je voudrai hautement soutenir ma couronne ;
Et c’est ce qui me force à vous considérer,
De peur de perdre tout, s’il nous faut séparer.
Je ne vois que vous seul qui des mers aux montagnes
Sous un même étendard puisse unir nos Espagnes ;
Mais ce que je propose en est le seul moyen ;
Et quoi qu’ait fait pour vous ce cher concitoyen,
S’il vous a secouru contre la tyrannie,
Il en est bien payé d’avoir sauvé sa vie.
Les malheurs du parti l’accablaient à tel point,
Qu’il se voyait perdu, s’il ne vous eût pas joint ;
Et même, si j’en veux croire la renommée,
Ses troupes, malgré lui, grossirent votre armée.
Rome offre un grand secours, du moins on vous l’écrit ;
Mais s’armât-elle toute en faveur d’un proscrit,
Quand nous sommes aux bords d’une pleine victoire,
Quel besoin avons-nous d’en partager la gloire ?