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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/405

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ACTE II, SCÈNE IV.

Scène IV.

Viriate, Perpenna, Aufide, Thamire.
Viriate

Vous m’aimez, Perpenna ; Sertorius le dit :
Je crois sur sa parole, et lui dois tout crédit.680
Je sais donc votre amour ; mais tirez-moi de peine :
Par où prétendez-vous mériter une reine ?
À quel titre lui plaire, et par quel charme un jour
Obliger sa couronne à payer votre amour ?

Perpenna

Par de sincères vœux, par d’assidus services, 685
Par de profonds respects, par d’humbles sacrifices ;
Et si quelques effets peuvent justifier…

Viriate

Eh bien ! Qu’êtes-vous prêt de lui sacrifier ?

Perpenna

Tous mes soins, tout mon sang, mon courage, ma vie.

Viriate

Pourriez-vous la servir dans une jalousie ?690

Perpenna

Ah ! Madame…

Viriate

Ah ! Madame…À ce mot en vain le cœur vous bat :
Elle n’est pas d’amour, elle n’est que d’État.
J’ai de l’ambition, et mon orgueil de reine
Ne peut voir sans chagrin une autre souveraine,
Qui sur mon propre trône à mes yeux s’élevant, 695
Jusque dans mes États prenne le pas devant[1].
Sertorius y règne, et dans tout notre empire

  1. Dans les éditions anciennes, y compris celle de 1692, les deux derniers mots de ce vers sont joints par un trait d’union, comme une sorte de composé : « le pas-devant. » Plus loin, au vers 1700, la première édition seule a le trait d’union ; les autres donnent, comme nous, « le pas devant. »