Scène II.
Me dit-on vrai, Madame, et seroit-il possible…
Oui, Seigneur, il est vrai que j’ai le cœur sensible :
Suivant qu’on m’aime ou hait, j’aime ou hais à mon tour,
Et ma gloire soutient ma haine et mon amour.
Mais si de mon amour elle est la souveraine,
Elle n’est pas toujours maîtresse de ma haine ;
Je ne la suis pas même, et je hais quelquefois
Et moins que je ne veux et moins que je ne dois.
Cette haine a pour moi toute son étendue,
Madame, et la pitié ne l’a point suspendue ;
La générosité n’a pu la modérer.
Vous ne voyez donc pas qu’elle a peine à durer ?
Mon feu, qui n’est éteint que parce qu’il doit l’être,
Cherche en dépit de moi le vôtre pour renaître ;
Et je sens qu’à vos yeux mon courroux chancelant
Trébuche, perd sa force, et meurt en vous parlant.
M’aimeriez-vous encor, Seigneur ?
Demandez si je vis, ou si je suis moi-même :
Votre amour est ma vie, et ma vie est à vous.
Sortez de mon esprit, ressentiments jaloux ;
Noirs enfants du dépit, ennemis de ma gloire,
Tristes ressentiments, je ne veux plus vous croire.
Quoi qu’on m’ait fait d’outrage, il ne m’en souvient plus :