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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/432

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SERTORIUS.

Je le trouvois en vous, n’eût été la bassesse
Qui pour ce cher rival contre moi s’intéresse,
Et dont, quand je vous mets au-dessus de cent rois,1295
Une répudiée a mérité le choix.
Je l’oublierai pourtant, et veux vous faire grâce.
M’aimez-vous ?

Sertorius.

M’aimez-vous ?Oserais-je en prendre encor l’audace ?

Viriate.

Prenez-la, j’y consens, Seigneur ; et dès demain,
Au lieu de Perpenna, donnez-moi votre main.1300

Sertorius.

Que se tiendroit heureux un amour moins sincère
Qui n’auroit autre but que de se satisfaire,
Et qui se rempliroit de sa félicité
Sans prendre aucun souci de votre dignité !
Mais quand vous oubliez ce que j’ai pu vous dire, 1305
Puis-je oublier les soins d’agrandir votre empire ;
Que votre grand projet est celui de régner ?

Viriate.

Seigneur, vous faire grâce, est-ce m’en éloigner ?

Sertorius.

Ah ! Madame, est-il temps que cette grâce éclate ?

Viriate.

C’est cet éclat, Seigneur, que cherche Viriate.1310

Sertorius.

Nous perdons tout, Madame, à le précipiter :
L’amour de Perpenna le fera révolter.
Souffrez qu’un peu de temps doucement le ménage,
Qu’auprès d’un autre objet un autre amour l’engage.
Des amis d’Aristie assurons le secours1315
À force de promettre, en différant toujours.
Détruire tout l’espoir qui les tient en haleine,
C’est les perdre, c’est mettre un jaloux hors de peine,