Aller au contenu

Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/439

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
425
ACTE IV, SCENE III.
Sertorius.

Oui ; mais je ne vois pas encor de sûreté
À ce que vous et moi nous avions concerté.
Vous savez que la Reine est d’une humeur si fière…
Mais peut-être le temps la rendra moins altière.1470
Adieu : dispensez-moi de parler là-dessus.

Perpenna.

Parlez, Seigneur : mes vœux sont-ils si mal reçus ?
Est-ce en vain que je l’aime, en vain que je soupire ?

Sertorius.

Sa retraite a plus dit que je ne puis vous dire.

Perpenna.

Elle m’a dit beaucoup ; mais, Seigneur, achevez, 1475
Et ne me cachez point ce que vous en savez.
Ne m’auriez-vous rempli que d’un espoir frivole ?

Sertorius.

Non, je vous l’ai cédée, et vous tiendrai parole.
Je l’aime, et vous la donne encor malgré mon feu ;
Mais je crains que ce don n’ait jamais son aveu,1480
Qu’il n’attire sur nous d’impitoyables haines.
Que vous dirai-je enfin ? L’Espagne a d’autres reines ;
Et vous pourriez vous faire un destin bien plus doux,
Si vous faisiez pour moi ce que je fais pour vous.
Celle des Vacéens, celle des Ilergètes[1], 1485
Rendraient vos volontés bien plus tôt satisfaites ;
La Reine avec chaleur sauroit vous y servir.

Perpenna.

Vous me l’avez promise, et me l’allez ravir !

Sertorius.

Que sert que je promette et que je vous la donne,
Quand son ambition l’attache à ma personne ?1490

  1. Les Vacéens (Vaccéens) et les Ilergètes étaient deux peuple de l’Espagne tarraconaise.