Oui ; mais je ne vois pas encor de sûreté
À ce que vous et moi nous avions concerté.
Vous savez que la Reine est d’une humeur si fière…
Mais peut-être le temps la rendra moins altière.
Adieu : dispensez-moi de parler là-dessus.
Parlez, Seigneur : mes vœux sont-ils si mal reçus ?
Est-ce en vain que je l’aime, en vain que je soupire ?
Sa retraite a plus dit que je ne puis vous dire.
Elle m’a dit beaucoup ; mais, Seigneur, achevez,
Et ne me cachez point ce que vous en savez.
Ne m’auriez-vous rempli que d’un espoir frivole ?
Non, je vous l’ai cédée, et vous tiendrai parole.
Je l’aime, et vous la donne encor malgré mon feu ;
Mais je crains que ce don n’ait jamais son aveu,
Qu’il n’attire sur nous d’impitoyables haines.
Que vous dirai-je enfin ? L’Espagne a d’autres reines ;
Et vous pourriez vous faire un destin bien plus doux,
Si vous faisiez pour moi ce que je fais pour vous.
Celle des Vacéens, celle des Ilergètes[1],
Rendraient vos volontés bien plus tôt satisfaites ;
La Reine avec chaleur sauroit vous y servir.
Vous me l’avez promise, et me l’allez ravir !
Que sert que je promette et que je vous la donne,
Quand son ambition l’attache à ma personne ?
- ↑ Les Vacéens (Vaccéens) et les Ilergètes étaient deux peuple de l’Espagne tarraconaise.