Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/491

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Que Syphax fit la guerre à cette infortunée,
La surprit dans sa ville, et fit en ma faveur
Ce qu’il n’entreprenoit que pour venger sa sœur ;
Car tu sais qu’il l’offrit à ce généreux prince,
100Et lui voulut pour dot remettre sa province.

Herminie

Je comprends encor moins que vous peut importer
À laquelle des deux il daigne s’arrêter.
Ce fut, s’il m’en souvient, votre prière expresse
Qui lui fit par Syphax offrir cette princesse ;
105Et je ne puis trouver matière à vos douleurs
Dans la perte d’un cœur que vous donniez ailleurs.

Sophonisbe

Je le donnois, ce cœur où ma rivale aspire :
Ce don, s’il l’eût souffert, eût marqué mon empire,
Eût montré qu’un amant si maltraité par moi
110Prenoit encor plaisir à recevoir ma loi.
Après m’avoir perdue, il auroit fait connoître
Qu’il vouloit m’être encor tout ce qu’il pouvoit m’être, Se rattacher à moi par les liens du sang,
Et tenir de ma main la splendeur de son rang ;
115Mais s’il épouse Éryxe, il montre un cœur rebelle
Qui me néglige autant qu’il veut brûler pour elle,
Qui brise tous mes fers, et brave hautement
L’éclat de sa disgrâce et de mon changement.

Herminie

Certes, si je l’osois, je nommerois caprice
120Ce trouble ingénieux à vous faire un supplice,
Et l’obstination des soucis superflus
Dont vous gêne ce cœur quand vous n’en voulez plus.

Sophonisbe

Ah ! que de notre orgueil tu sais mal la foiblesse,