Et si j’en étois crue, on auroit le courage
De ne rien écouter sur ce désavantage,
Et d’attendre un succès hautement emporté
Qui remît notre gloire en plus d’égalité.
On pourroit fort attendre.
Vous pourriez n’avoir pas l’âme la plus contente.
J’ai déjà grand chagrin de voir que de vos mains
Mon sceptre a su passer en celles des Romains ;
Et qu’aujourd’hui, de l’air dont s’y prend Massinisse,
Le vôtre a grand besoin que la paix raffermisse.
Quand de pareils chagrins voudront paroître au jour,
Si l’honneur vous est cher, cachez tout votre amour ;
Et voyez à quel point votre gloire est flétrie
D’aimer un ennemi de sa propre patrie,
Qui sert des étrangers dont par un juste accord
Il pouvoit nous aider à repousser l’effort.
Dépouillé par votre ordre, ou par votre artifice,
Il sert vos ennemis pour s’en faire justice ;
Mais si de les servir il doit être honteux,
Syphax sert, comme lui, des étrangers comme eux.
Si nous les voulions tous bannir de notre Afrique,
Il faudroit commencer par votre république,
Et renvoyer à Tyr, d’où vous êtes sortis,
Ceux par qui nos climats sont presque assujettis.
Nous avons lieu d’avoir pareille jalousie
Des peuples de l’Europe et de ceux de l’Asie ;