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PERTHARITE

ACTE II.


Scène première[1].

ÉDÜIGE, GARIBALDE.
ÉDÜIGE.

Je l’ai dit à mon traître, et je vous le redis :

  1. « Il me paraît prouvé que Racine a puisé toute l’ordonnance de sa tragédie d’Andromaque dans ce second acte de Pertharite. Dès la première scène, vous voyez Édüige, qui est avec son Garibalde précisément dans la même situation qu’Hermione avec Oreste. Elle est abandonnée par un Grimoald, comme Hermione par Pyrrhus ; et si Grimoald aime sa prisonnière Rodelinde, Pyrrhus aime Andromaque, sa captive. Vous voyez qu’Édüige dit à Garibalde les mêmes choses qu’Hermione dit à Oreste : elle a des ardents souhaits de voir punir le change de Grimoald, elle assure sa conquête à son vengeur, il faut servir sa haine pour venger son amour. C’est ainsi qu’Hermione dit à Oreste (Andromaque, acte IV, scène III) :
    Vengez-moi, je crois tout…
    Qu’Hermione est le prix d’un tyran opprimé,
    Que je le hais ; enfin… que je l’aimai ?
    Oreste, en un autre endroit, dit à Hermione tout ce que dit ici Garibalde à Edüige (acte II, scène ii) :
    Le cœur est pour Pyrrhus, et les vœux pour Oreste…
    Et vous le haïssez ! Avouez-le, Madame,
    L’amour n’est pas un feu qu’on renferme en son âme (a) ;
    Tout nous trahit, la voix, le silence, les yeux ;
    Et les feux mal couverts n’en éclatent que mieux.
    Hermione parle absolument comme Édüige, quand elle dit (acte II, scène ii) :
    Mais cependant, ce jour, il épouse Andromaque (b)
    Seigneur, je le vois bien, votre âme prévenue
    Répand sur mes discours le poison qui la tue (c).
    Enfin l’intention d’Édüige est que Garibalde la serve en détachant le parjure Grimoald de sa rivale Rodelinde ; et Hermione veut qu’Oreste, en demandant Astyanax, dégage Pyrrhus de son amour pour Andromaque. Voyez avec attention la scène cinquième du second acte, vous trouverez une ressemblance non moins marquée entre Andromaque et Rodelinde. » (Voltaire, 1764.)

    (a) Le texte de Racine est : « en une âme. »

    (b) Dans la scène ii de l’acte II, il y a :

    Mais, Seigneur, cependant, s’il épouse Andromaque.
    Le vers cité par Voltaire est dans la scène iii de l’acte IV.

    (c) Dans Racine : « le venin qui la tue. »