Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/505

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Son orgueil, que ses pleurs sembloient vouloir dédire,
440Trouvoit l’art en pleurant d’augmenter son empire ;
Et sûre du succès, dont cet art répondoit,
Elle prioit bien moins qu’elle ne commandoit.
Aussi sans balancer il a donné parole
Qu’elle ne seroit point traînée au Capitole,
445Qu’il en sauroit trouver un moyen assuré ;
En lui tendant la main, sur l’heure il l’a juré,
Et n’eût pas borné là son ardeur renaissante,
Mais il s’est souvenu qu’enfin j’étois présente ;
Et les ordres qu’aux siens il avoit à donner
450Ont servi de prétexte à nous abandonner.
––Que dis-je ? pour moi seule affectant cette fuite,
Jusqu’au fond du palais des yeux il l’a conduite ;
Et si tu t’en souviens, j’ai toujours soupconné
Que cet amour jamais ne fut déraciné.
455Chez moi, dans Hyarbée, où le mien trop facile
Prêtoit à sa déroute un favorable asile,
Détrôné, vagabond, et sans appui que moi,
Quand j’ai voulu parler contre ce cœur sans foi,
Et qu’à cette infidèle imputant sa misère,
460J’ai cru surprendre un mot de haine ou de colère,
Jamais son feu secret n’a manqué de détours
Pour me forcer moi-même à changer de discours ;
Ou si je m’obstinois à le faire répondre,
J’en tirois pour tout fruit de quoi mieux me confondre,
465Et je n’en arrachois que de profonds hélas,
Et qu’enfin son amour ne la méritoit pas.
Juge, par ces soupirs que produisoit l’absence,