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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/507

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ACTE II, SCENE I.

J’aime donc Massinisse, et je prétends qu’il m’aime :
500Je l’adore, et je veux qu’il m’adore de même ;
Et pour moi son hymen seroit un long ennui,
S’il n’étoit tout à moi, comme moi toute à lui.
Ne t’étonne donc point de cette jalousie
Dont, à ce froid abord, mon âme s’est saisie ;
505Laisse-la-moi souffrir, sans me la reprocher ;
Sers-la, si tu le peux, et m’aide à la cacher.
Pour juste aux yeux de tous qu’en puisse être la cause,
Une femme jalouse à cent mépris s’expose ;
Plus elle fait de bruit, moins on en fait d’état,
510Et jamais ses soupçons n’ont qu’un honteux éclat.
Je veux donner aux miens une route diverse,
À ces amants suspects laisser libre commerce,
D’un œil indifférent en regarder le cours,
Fuir toute occasion de troubler leur discours[1],
515Et d’un hymen douteux éviter le supplice,
Tant que je douterai du cœur de Massinisse.
Le voici : nous verrons, par son empressement,
Si je me suis trompée en ce pressentiment.


Scène II.

MASSINISSE, ÉRYXE, BARCÉE, MÉZÉTULLE.
MASSINISSE

Enfin, maître absolu des murs et de la ville,
520Je puis vous rapporter un esprit plus tranquille,
Madame, et voir céder en ce reste du jour
Les soins de la victoire aux douceurs de l’amour.

  1. Tel est le texte de toutes les éditions publiées du vivant de l’auteur. Thomas Corneille et Voltaire ont mit le pluriel : « leurs discours. »