Aller au contenu

Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/523

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
509
ACTE III, SCÈNE II.

Ce grand titre de roi, que seul je considère,
Étend sur moi l’affront qu’en vous ils vont lui faire ;
Et rien ici n’échappe à ma tranquillité
900Que par les intérêts de notre dignité :
Dans votre peu de foi c’est tout ce qui me blesse.
Vous allez hautement montrer notre foiblesse,
Dévoiler notre honte, et faire voir à tous
Quels fantômes d’État on fait régner en nous.
905Oui, vous allez forcer nos peuples de connoître
Qu’ils n’ont que le sénat pour véritable maître,
Et que ceux qu’avec pompe ils ont vu couronner
En reçoivent les lois qu’ils semblent leur donner.
C’est là mon déplaisir. Si je n’étois pas reine,
910Ce que je perds en vous me feroit peu de peine ;
Mais je ne puis souffrir qu’un si dangereux choix
Détruise en un moment ce peu qui reste aux rois,
Et qu’en un si grand cœur l’impuissance de l’être
Ait ménagé si mal l’honneur de le paroître.
915Mais voici cet objet si charmant à vos yeux,
Dont le cher entretien vous divertira mieux.


Scène III.

MASSINISSE, SOPHONISBE, ÉRYXE, MÉZÉTULLE, HERMINIE, BARCÉE.
ÉRYXE.

Une seconde fois tout a changé de face,
Madame, et c’est à moi de vous quitter la place.
Vous n’aviez pas dessein de me le dérober[1] ?

SOPHONISBE.

920L’occasion qui plaît souvent fait succomber.

  1. Voyez plus haut, acte II, scène iii, vers 575 et suivants.