Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/542

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Au lieu d’un conquérant par vos mains couronné,
Tramez à votre Rome un vainqueur enchaîné.
1325Je suis à Sophonisbe, et mon amour fidèle
Dédaigne et diadème et liberté sans elle ;
Je ne veux ni régner, ni vivre qu’en ses bras :
Non, je ne veux…

Lélius
Non, je ne veux…Seigneur, ne vous emportez pas.

Massinisse
Résolus à ma perte, hélas ! que vous importe
1330Si ma juste douleur se retient ou s’emporte ?
Mes pleurs et mes soupirs vous fléchiront-ils mieux ?
Et faut-il à genoux vous parler comme aux Dieux ?
Que j’ai mal employé mon sang et mes services,
Quand je les ai prêtés à vos astres propices,
1335Si j’ai pu tant de fois hâter votre destin,
Sans pouvoir mériter cette part au butin !

Lélius
Si vous avez, Seigneur, hâté notre fortune,
Je veux bien que la proie entre nous soit commune ;
Mais pour la partager, est-ce à vous de choisir ?
1340Est-ce avant notre aveu qu’il vous en faut saisir ?

Massinisse
Ah ! si vous aviez fait la moindre expérience
De ce qu’un digne amour donne d’impatience,
Vous sauriez… Mais pourquoi n’en auriez-vous pas fait ?
Pour aimer à notre âge en est-on moins parfait ?
1345Les héros des Romains ne sont-ils jamais hommes ?
Leur Mars a tant de fois été ce que nous sommes,
Et le maître des Dieux, des rois et des amants,