En ma place auroit eu mêmes empressements.
J’aimois, on l’agréoit, j’étois ici le maître ;
Vous m’aimiez, ou du moins vous le faisiez paroître.
L’amour en cet état daigne-t-il hésiter,
Faute d’un mot d’aveu dont il n’ose douter ?
Voir son bien en sa main et ne le point reprendre,
Seigneur, c’est un respect bien difficile à rendre.
Un roi se souvient-il en des moments si doux
Qu’il a dans votre camp des maîtres parmi vous ?
Je l’ai dû toutefois, et je m’en tiens coupable.
Ce crime est-il si grand qu’il soit irréparable ?
Et sans considérer mes services passés,
Sans excuser l’amour par qui nos cœurs forcés…
Vous parlez tant d’amour, qu’il faut que je confesse
Que j’ai honte pour vous de voir tant de foiblesse.
N’alléguez point les Dieux : si l’on voit quelquefois
Leur flamme s’emporter en faveur de leur choix,
Ce n’est qu’à leurs pareils à suivre leurs exemples ;
Et vous ferez comme eux quand vous aurez des temples :
Comme ils sont dans leur ciel[1] au-dessus du danger,
Ils n’ont là rien à craindre et rien à ménager[2].
Du reste je sais bien que souvent il arrive
Qu’un vainqueur s’adoucit auprès de sa captive.
Les droits de la victoire ont quelque liberté
Qui ne sauroit déplaire à notre âge indompté ;
Mais quand à cette ardeur un monarque défère,
Il s’en fait un plaisir et non pas une affaire ;
Il repousse l’amour comme un lâche attentat,
Dès qu’il veut prévaloir sur la raison d’État ;
Et son cœur, au-dessus de ces basses amorces,