Si vous avez connu le prince Massinisse…
Éryxe
N’en parlons point, Madame ; il vous a fait justice.
Sophonisbe
Vous n’avez pas connu tout à fait son esprit ;
Pour le connoître mieux, lisez ce qu’il m’écrit.
Éryxe
(Elle lit bas.)
Du côté des Romains je ne suis point surprise ;
Mais ce qui me surprend, c’est qu’il les autorise,
Qu’il passe plus avant qu’ils ne voudroient aller.
Sophonisbe
Que voulez-vous, Madame ? il faut s’en consoler.
Allez, et dites-lui que je m’apprête à vivre,
En faveur du triomphe, en dessein de le suivre ;
Que puisque son amour ne sait pas mieux agir,
Je m’y réserve exprès pour l’en faire rougir.
Je lui dois cette honte ; et Rome, son amie,
En verra sur son front rejaillir l’infamie :
Elle y verra marcher, ce qu’on n’a jamais vu,
La femme du vainqueur à côté du vaincu,
Et mes pas chancelants sous ces pompes cruelles
Couvrir ses plus hauts faits de taches éternelles.
Portez-lui ma réponse ; allez.
Mézétulle
Dans ses ennuis…
Sophonisbe
C’est trop m’importuner en l’état où je suis.
Ne vous a-t-il chargé de rien dire à la Reine ?
Mézétulle