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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/557

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ACTE V, SCÈNE IV.

Je vous l’ai pris vaillant, généreux, plein d’honneur,
Et je vous le rends lâche, ingrat, empoisonneur ;
Je l’ai pris magnanime, et vous le rends perfide ;
Je vous le rends sans cœur, et l’ai pris intrépide ;
1665Je l’ai pris le plus grand des princes africains,
Et le rends, pour tout dire, esclave des Romains.

ÉRYXE.

Qui me le rend ainsi n’a pas beaucoup d’envie
Que j’attache à l’aimer le bonheur de ma vie.

SOPHONISBE.

Ce n’est pas là, Madame, où je prends intérêt.
1670Acceptez, refusez, aimez-le tel qu’il est,
Dédaignez son mérite, estimez sa foiblesse ;
De tout votre destin vous êtes la maîtresse :
Je la serai du mien, et j’ai cru vous devoir
Ce mot d’avis sincère avant que d’y pourvoir.
1675S’il part d’un sentiment qui flatte mal les vôtres,
Lélius, que je vois, vous en peut donner d’autres ;
Souffrez que je l’évite, et que dans mon malheur
Je m’ose de sa vue épargner la douleur.


Scène V.

LÉLIUS, ÉRYXE, LÉPIDE, BARCÉE.
LÉLIUS.

Lépide, ma présence est pour elle un supplice.

ÉRYXE.

1680Vous a-t-on dit, Seigneur, ce qu’a fait Massinisse ?

LÉLIUS.

J’ai su que pour sortir d’une témérité
Dans une autre plus grande il s’est précipité[1].

  1. Scipion reprocha à Massinisse « d’avoir réparé une témérité par un autre témérité, et d’avoir rendu l’événement plus triste qu’il n’était nécessaire.