Scène III.
Non pas, Seigneur, non pas : quoi que le ciel m’envoie,
Je ne veux rien tenir d’une honteuse voie ;
Et cette lâcheté qui me rendroit son cœur,
Sentiroit le tyran, et non pas l’empereur.
À votre sûreté, puisque le péril presse,
J’immolerai ma flamme et toute ma tendresse ;
Et je vaincrai l’horreur d’un si cruel devoir
Pour conserver le jour à qui me l’a fait voir ;
Mais ce qu’à mes desirs je fais de violence
Fuit les honteux appas d’une indigne espérance ;
Et la vertu qui dompte et bannit mon amour
N’en souffrira jamais qu’un vertueux retour.
Seigneur ! et le moyen que je vous obéisse ?
Voyez, et s’il se peut, pour voir tout mon tourment,
Quittez vos yeux de père, et prenez-en d’amant.
L’estime de mon sang ne m’est pas interdite :
Je lui vois des attraits, je lui vois du mérite ;
Je crois qu’elle en a même assez pour engager,
Si quelqu’un nous perdoit, quelque autre à nous venger.
Par là nos ennemis la tiendront redoutable ;
Et sa perte par là devient inévitable.
Je vois de plus, Seigneur, que je n’obtiendrai rien,
Tant que votre œil blessé rencontrera le sien,
Que le temps se va perdre en répliques frivoles ;
Et pour les éviter, j’achève en trois paroles :
Si vous manquez le trône, il faut périr tous trois.