Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/652

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Et l’amour, qui m’apprend le foible des amants,
Unit vos plus doux vœux[1] à mes ressentiments,
1445Pour me faire ébaucher ma vengeance en Plautine,
Et l’achever bientôt par sa propre ruine.

MARTIAN.

Ah ! si vous la voulez, je sais des bras tous prêts[2] ;
Et j’ai tant de chaleur pour tous vos intérêts…

CAMILLE.

Ah ! que c’est me donner une sensible joie !
1450Ces bras que vous m’offrez, faites que je les voie,
Que je leur donne l’ordre et prescrive le temps.
Je veux qu’aux yeux d’Othon vos desirs soient contents,
Que lui-même il ait vu l’hymen de sa maîtresse
Livrer entre vos bras l’objet de sa tendresse,
1455Qu’il ait ce désespoir avant que de mourir :
Après, à son trépas vous me verrez courir.
Jusque-là gardez-vous de rien faire entreprendre.
Du pouvoir qu’on me rend vous devez tout attendre.
Allez vous préparer à ces heureux moments ;
1460Mais n’exécutez rien sans mes commandements.


Scène VI.

CAMILLE, ALBIANE.
ALBIANE.

Vous voulez perdre Othon ! vous le pouvez, Madame !

CAMILLE.

Que tu pénètres mal dans le fond de mon âme !
De son lâche rival voyant le noir projet,
J’ai su par cette adresse en arrêter l’effet,

  1. On lit : « mes plus doux vœux, » dans l’édition de 1692.
  2. Thomas Corneille (1692) a mis tout prêts ; Voltaire (1764) a gardé l’orthographe des anciennes éditions : « tous prêts. »