Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/69

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RODELINDE.

Mon exemple…Souffrez que je n’en craigne rien,
Et par votre malheur ne jugez pas du mien.
815Chacun à ses périls peut suivre sa fortune[1],
Et j’ai quelques soucis que l’exemple importune.

ÉDÜIGE.

Ce n’est pas mon dessein de vous importuner.

RODELINDE.

Ce n’est pas mon dessein aussi de vous gêner ;
Mais votre jalousie un peu trop inquiète
820Se donne malgré moi cette gêne secrète.

ÉDÜIGE.

Je ne suis point jalouse, et l’infidélité…

RODELINDE.

Eh bien ! soit jalousie ou curiosité,
Depuis quand sommes-nous en telle intelligence
Que tout mon cœur vous doive entière confidence ?

ÉDÜIGE.

825Je n’en prétends aucune, et c’est assez pour moi
D’avoir bien entendu comme il accepte un roi.

RODELINDE.

On n’entend pas toujours ce qu’on croit bien entendre.

ÉDÜIGE.

De vrai, dans un discours difficile à comprendre,
Je ne devine point, et n’en ai pas l’esprit ;
830Mais l’esprit n’a que faire où l’oreille suffit.

RODELINDE.

Il faudrait que l’oreille entendît la pensée[2].

ÉDÜIGE.

J’entends assez la vôtre : on vous aura forcée ;

  1. Var. Chacun à ses périls peut croire sa fortune. (1653-56)
  2. La pensée est la leçon des éditions de 1653-63. Celles de 1668-92 donnent sa, au lieu de la, ce qui pourrait bien être une faute typographique. Voltaire est revenu à la leçon primitive : la pensée.