Que tu perds lâchement de ruse et d’artifice,
Pour trouver à me perdre une ombre de justice,
Et sauver les dehors d’une adroite vertu[1]
Dont aux yeux éblouis tu parois revêtu !
Le ciel te livre exprès une grande victime,
Pour voir si tu peux être et juste et magnanime ;
Mais il ne t’abandonne après tout que son sang :
Tu ne lui peux ôter ni son nom ni son rang.
Je mourrai comme roi né pour le diadème ;
Et bientôt mes sujets, détrompés par toi-même,
Connoîtront par ma mort qu’ils n’adorent en toi[2]
Que de fausses couleurs qui te peignent en roi.
Hâte donc cette mort, elle t’est nécessaire ;
Car puisqu’enfin tu veux la vérité sincère[3],
Tout ce qu’entre tes mains je forme de souhaits,
C’est d’affranchir bientôt ces malheureux sujets.
Crains-moi, si je t’échappe ; et sois sûr de ta perte,
Si par ton mauvais sort la prison m’est ouverte.
Mon peuple aura des yeux pour connoître son roi,
Et mettra différence entre un tyran et moi :
Il n’a point de fureur que soudain je n’excite.
Voilà, dedans tes fers, l’espoir de Pertharite ;
- ↑ Var. Le bruit de tes vertus est ce qui m’a séduit,
Et je ne connois point ici d’autre faux bruit.
Partout on te publie et juste, et magnanime,
Et cet abus t’amène une grande victime. (1653-56) - ↑ Var. Connoîtront par ma mort qu’ils n’adoroient en toi
Que de fausses couleurs qui te peignoient en roi. (1653-56) - ↑ Var. [Car puisqu’enfin tu veux la vérité sincère,]
Mon cœur désabusé n’est plus ce qu’il étoit ;
Il ne voit plus en toi ce qu’il y respectoit :
Au lieu d’un grand héros qu’il crut voir en ma place,
Il n’y voit qu’un tyran plein de rage et d’audace,
Qui ne laisse à ce cœur former d’autres souhaits
Que d’en pouvoir bientôt délivrer mes sujets.
[Crains-moi, si je t’échappe ; et sois sûr de ta perte.] (1653-56)