Aller au contenu

Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/117

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
105
AU LECTEUR.

qu’il avoit accoutumé de saigner du nez, et que les vapeurs du vin et des viandes dont il se chargea fermèrent le passage à ce sang, qui, après l’avoir étouffé, sortit avec violence par tous les conduits[1]. Je les ai suivis sur la manière de sa mort ; mais j’ai cru plus à propos d’en attribuer la cause à un excès de colère qu’à un excès d’intempérance.

Au reste, on m’a pressé de répondre ici par occasion aux invectives qu’on a publiées depuis quelque temps contre la comédie[2] ; mais je me contenterai d’en dire

    historique ; il a procédé d’une manière analogue dans Othon au sujet de la mort de Vinius. Voyez tome VI, p. 654 et la note 2.

  1. Vino somnoque gravatus, resupinus jacebat, redundansque sanguis, qui ei solite de narihus effluebat, dum consuetis meatibus impeditur, itinere ferali faucibus illapsus eum exstinxit. (Jornandès, de Getarum rebus gestis, chapitre xlix.)
  2. On a prétendu que Corneille avait ici uniquement en vue le traité de la Comédie de Nicole, publié en 1669, et réimprimé plus tard dans ses Essais de morale. Cela n’est pas exact. Bien que les diverses situations du Cid et les imprécations de Camille dans Horace fussent vivement blâmées dans cet ouvrage (voyez chapitres vi et vii), Corneille n’avait pas jugé à propos de répondre ; il aurait eu, depuis 1659, de fréquentes occasions de le faire. Il résulte de l’examen que nous avons fait des ouvrages dirigés contre le théâtre que notre poëte veut surtout parler ici d’un Traité de la comédie et des spectacles selon la tradition de l’Église, tirée des conciles et des Saints- Pères, publié en 1667. Ce qui l’émut, ce fut moins à coup sûr la force des raisonnements, que le nom de l’auteur, qui ne figure point sur le titre, mais qu’on trouve mentionné en toutes lettres dans l’approbation des docteurs, et qui n’est autre que « Mgr le prince de Conty. » Lorsqu’on sait à qui s’adressent les paroles de Corneille, que jusqu’ici on pouvait croire dirigées contre quelque obscur controversiste, on est frappé de l’énergique indépendance du poëte. Il faut remarquer du reste qu’il avait été attaqué avec une grande violence : Cinna, Pompée, Polyeucte même n’avaient pas été épargnés ; enfin le prince portait sur le Cid cet étrange jugement, qui paraît avoir surtout blessé Corneille : « Rodrigue n’obtiendroit pas le rang qu’il a dans la comédie, s’il ne l’eût mérité par deux duels, en tuant le Comte et en désarmant don Sanche ; et si l’histoire le considère davantage par le nom de Cid et par ses exploits contre les Mores, la comédie l’estime beaucoup