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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/124

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ATTILA.

Scène II.

ATTILA, ARDARIC, VALAMIR, OCTAR.
ATTILA.

Rois, amis d’Attila, soutiens de ma puissance,
Qui rangez tant d’États sous mon obéissance,
Et de qui les conseils, le grand cœur et la main,75
Me rendent formidable à tout le genre humain,
Vous voyez en mon camp les éclatantes marques
Que de ce vaste effroi nous donnent[1] deux monarques.
En Gaule Mérouée, à Rome l’Empereur,
Ont cru par mon hymen éviter ma fureur.80
La paix avec tous deux en même temps traitée
Se trouve avec tous deux à ce prix arrêtée ;
Et presque sur les pas de mes ambassadeurs
Les leurs m’ont amené deux princesses leurs sœurs.
Le choix m’en embarrasse, il est temps de le faire ;85
Depuis leur arrivée en vain je le diffère :
Il faut enfin résoudre ; et quel que soit ce choix,
J’offense un empereur, ou le plus grand des rois.
Je le dis le plus grand, non qu’encor la victoire
Ait porté Mérouée à ce comble de gloire ;90
Mais si de nos devins l’oracle n’est point faux.
Sa grandeur doit atteindre aux degrés les plus hauts ;
Et de ses successeurs l’empire inébranlable
Sera de siècle en siècle enfin si redoutable.
Qu’un jour toute la terre en recevra des lois,95
Ou tremblera du moins au nom de leurs François.
Vous donc, qui connoissez de combien d’importance
Est pour nos grands projets l’une et l’autre alliance.
Prêtez-moi des clartés pour bien voir aujourd’hui

  1. On lit vous donnent dans l’édition de 1692.