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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/129

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ACTE I, SCÈNE II.

Qu’il régnoit par sa mère, ou sa mère pour lui ;
Et depuis son trépas il a trop fait connoître
Que s’il est empereur, Aétius est maître ;
Et c’en seroit la sœur qu’il faudroit obtenir,215
Si jamais aux Romains vous vouliez vous unir :
Au reste, un prince foible, envieux, mol, stupide,
Qu’un heureux succès enfle, un douteux intimide,
Qui pour unique emploi s’attache à son plaisir,
Et laisse le pouvoir à qui s’en peut saisir.220
Mais le grand Mérouée est un roi magnanime,
Amoureux de la gloire, ardent après l’estime,
Qui ne permet aux siens d’emploi ni de pouvoir,
Qu’autant que par son ordre ils en doivent avoir.
Il sait vaincre et régner ; et depuis sa victoire,225
S’il a déjà soumis et la Seine et la Loire,
Quand vous voudrez aux siens joindre vos combattants,
La Garonne et l’Arar[1] ne tiendront pas longtemps.
Alors ces mêmes champs, témoins de notre honte,
En verront la vengeance et plus haute et plus prompte230
Et pour glorieux prix d’avoir su nous venger,
Vous aurez avec lui la Gaule à partager.
D’où vous ferez savoir à toute l’Italie
Qu’alors que[2] la prudence à la valeur s’allie,
Il n’est rien à l’épreuve, et qu’il est temps qu’enfin235
Et du Tibre et du Pô vous fassiez le destin.

ARDARIC.

Prenez-en donc le droit des mains d’une princesse
Qui l’apporte pour dot à l’ardeur qui vous presse ;
Et paroissez plutôt vous saisir de son bien,

  1. L’Arar, en latin Arar et Araris, ancien nom de la Saône.
  2. Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1764) ont changé Qu’alors que en Que lorsque. Nous avons eu déjà cette même correction dans Agesilas, acte I, scène i, vers 33. Voyez plus loin le vers 1589 (acte V, scène iii), où Thomas Corneille et Voltaire ont laissé tous deux alors que.