Aller au contenu

Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/152

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
140
ATTILA.

De l’époux d’une sœur un maître des Romains.

OCTAR.

Ainsi donc votre choix tombe sur Honorie ?

ATTILA.

J’y fais ce que je puis, et ma gloire m’en prie ;
Mais d’ailleurs Ildione a pour moi tant d’attraits,755
Que mon cœur étonné flotte plus que jamais.
Je sens combattre encor dans ce cœur qui soupire
Les droits de la beauté contre ceux de l’empire.
L’effort de ma raison qui soutient mon orgueil
Ne peut non plus que lui soutenir un coup d’œil ;760
Et quand de tout moi-même il m’a rendu le maître,
Pour me rendre à mes fers elle n’a qu’à paroître.
Ô beauté, qui te fais adorer en tous lieux,
Cruel poison de l’âme, et doux charme des yeux,
Que devient, quand tu veux, l’autorité suprême,765
Si tu prends malgré moi l’empire de moi-même,
Et si cette fierté qui fait partout la loi
Ne peut me garantir de la prendre de toi ?
Va la trouver pour moi, cette beauté charmante ;
Du plus utile choix donne-lui l’épouvante ;770
Pour l’obliger à fuir, peins-lui bien tout l’affront
Que va mon hyménée imprimer sur son front.
Ose plus : fais-lui peur d’une prison sévère
Qui me réponde ici du courroux de son frère,
Et retienne tous ceux que l’espoir de sa foi775
Pourroit en un moment soulever contre moi.
Mais quelle âme en effet n’en seroit pas séduite ?
Je vois trop de périls, Octar, en cette fuite :
Ses yeux, mes souverains, à qui tout est soumis,
Me sauroient d’un coup d’œil faire trop d’ennemis.780
Pour en sauver mon cœur prends une autre manière.
Fais-m’en haïr, peins-moi d’une humeur noire et fière ;
Dis-lui que j’aime ailleurs ; et fais-lui prévenir