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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/155

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ACTE III, SCÈNE II.

Il s’empare et du cœur et des soins les plus doux ;
Et j’oublie Attila, dès que je pense à vous.
Que pourrai-je, Madame, après que l’hyménée
Aura mis sous vos lois toute ma destinée ?830
Quand je voudrai punir, vous saurez pardonner ;
Vous refuserez grâce où j’en voudrai donner ;
Vous envoirez la paix où je voudrai la guerre ;
Vous saurez par mes mains conduire le tonnerre ;
Et tout mon amour tremble à s’accorder un bien835
Qui me met en état de ne pouvoir plus rien.
Attentez un peu moins sur ce pouvoir suprême,
Madame, et pour un jour cessez d’être vous-même ;
Cessez d’être adorable, et laissez-moi choisir
Un objet qui m’en laisse aisément ressaisir.840
Défendez à vos yeux cet éclat invincible
Avec qui ma fierté devient incompatible ;
Prêtez-moi des refus, prêtez-moi des mépris,
Et rendez-moi vous-même à moi-même à ce prix.

ILDIONE.

Je croyois qu’on me dût préférer Honorie845
Avec moins de douceurs et de galanterie ;
Et je n’attendois pas une civilité
Qui malgré cette honte enflât ma vanité.
Ses honneurs près des miens ne sont qu’honneurs frivoles.
Ils n’ont que des effets, j’ai les belles paroles ;850
Et si de son côté vous tournez tous vos soins,
C’est qu’elle a moins d’attraits, et se fait craindre moins.
L’auroit-on jamais cru, qu’un Attila pût craindre ?
Qu’un si léger éclat eût de quoi l’y contraindre.
Et que de ce grand nom qui remplit tout d’effroi855
Il n’osât hasarder tout l’orgueil contre moi ?
Avant qu’il porte ailleurs ces timides hommages
Que jusqu’ici j’enlève avec tant d’avantages,
Apprenez-moi, Seigneur, pour suivre vos desseins,