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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/171

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ACTE IV, SCÈNE III.

Agréez cependant pour vous même justice ;
Et s’il faut un sujet à qui dédaigne un roi,1235
Choisissez dans une heure, ou d’Octar, ou de moi.

HONORIE.

D’Octar, ou…

ATTILA.

D’Octar, ou…Les grands cœurs parlent avec franchise,
C’est une vérité que vous m’avez apprise[1] :
Songez donc sans murmure à cet illustre choix,
Et remerciez-moi de suivre ainsi vos lois[2].1240

HONORIE.

Me proposer Octar !

ATTILA.

Me proposer Octar !Qu’y trouvez-vous à dire ?
Seroit-il à vos yeux indigne de l’empire ?
S’il est né sans couronne et n’eut jamais d’États,
On monte à ce grand trône encor d’un lieu plus bas.
On a vu des Césars, et même des plus braves,1245
Qui sortoient d’artisans, de bandoliers[3], d’esclaves ;
Le temps et leurs vertus les ont rendus fameux,
Et notre cher Octar a des vertus comme eux.

HONORIE.

Va, ne me tourne point Octar en ridicule :
Ma gloire pourroit bien l’accepter sans scrupule,1250
Tyran, et tu devrois du moins te souvenir
Que s’il n’en est pas digne, il peut le devenir.
Au défaut d’un beau sang, il est de grands services.
Il est des vœux soumis, il est des sacrifices,

  1. Voyez ci-dessus, acte III, scène iv, vers 1069 et 1070.
  2. Var. Et me remerciez de suivre ainsi vos lois. (1668, édition originale.)
  3. Bandolier, bandoulier, de l’espagnol bandolero, « voleur de campagne, qui vole en troupe et avec armes à feu. » (Dictionnaire de Furetière.) Voyez le Lexique. — L’empereur Philippe, dit l’Arabe, était fils d’un chef de brigands ; Dioclétien était, selon les uns, l’affranchi d’un sénateur, selon d’autres le fils d’un greffier ; Galère avait été berger, etc.