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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/170

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ATTILA.

De m’ôter ce que j’aime, et me mettre en vos bras !

ATTILA.

Quel est-il, cet amant ?

HONORIE.

Quel est-il, cet amant ?Ignorez-vous encore
Qu’elle adore Ardaric, et qu’Ardaric l’adore ?1210

ATTILA.

Qu’on m’amène Ardaric. Mais de qui savez-vous…

HONORIE.

C’est une vision de mes soupçons jaloux ;
J’en suis mal éclaircie, et votre orgueil l’avoue,
Et quand elle me brave, et quand elle vous joue ;
Même, s’il faut vous croire, on ne vous sert pas mal1215
Alors qu’on vous dédaigne en faveur d’un rival.

ATTILA.

D’Ardaric et de moi telle est la différence,
Qu’elle en punit assez la folle préférence.

HONORIE.

Quoi ? s’il peut moins que vous, ne lui volez-vous pas
Ce pouvoir usurpé sur ses propres soldats ?1220
Un véritable roi qu’opprime un sort contraire,
Tout opprimé qu’il est, garde son caractère ;
Ce nom lui reste entier sous les plus dures lois :
Il est dans les fers même égal aux plus grands rois ;
Et la main d’Ardaric suffit à ma rivale1225
Pour lui donner plein droit de me traiter d’égale.
Si vous voulez punir l’affront qu’elle nous fait,
Réduisez-la, Seigneur, à l’hymen d’un sujet.
Ne cherchez point pour elle une plus dure peine
Que de voir votre femme être sa souveraine ;1230
Et je pourrai moi-même alors vous demander
Le droit de m’en servir et de lui commander.

ATTILA.

Madame, je saurai lui trouver un supplice.