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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/175

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ACTE IV, SCÈNE IV.
ATTILA.

Quand il est trop à craindre, il faut le prévenir.
C’est un roi dont les gens, mêlés parmi les nôtres,
Feroient accompagner son exil de trop d’autres,
Qu’on verroit s’opposer aux soins que nous prendrons,1335
Et de nos ennemis grossir les escadrons.

ARDARIC.

Est-ce un crime pour lui qu’une douce espérance
Que vous pourriez ailleurs porter la préférence ?

ATTILA.

Oui, pour lui, pour vous-même, et pour tout autre roi,
C’en est un que prétendre en même lieu que moi.1340
S’emparer d’un esprit dont la foi m’est promise,
C’est surprendre une place entre mes mains remise ;
Et vous ne seriez pas moins coupable que lui,
Si je ne vous voyois d’un autre œil aujourd’hui.
À des crimes pareils j’ai dû même justice,1345
Et ne choisis pour vous qu’un amoureux supplice.
Pour un si cher objet que je mets en vos bras.
Est-ce un prix excessif qu’un si juste trépas ?

ARDARIC.

Mais c’est déshonorer. Seigneur, votre hyménée
Que vouloir d’un tel sang en marquer la journée.1350

ATTILA.

Est-il plus grand honneur que de voir en mon choix
Qui je veux à ma flamme immoler de deux rois,
Et que du sacrifice où s’expiera leur crime,
L’un d’eux soit le ministre, et l’autre la victime ?
Si vous n’osez par là satisfaire vos feux,1355
Craignez que Valamir ne soit moins scrupuleux,
Qu’il ne s’impute pas à tant de barbarie
D’accepter à ce prix son illustre Honorie,
Et n’ait aucune horreur de ses vœux les plus doux.
Si leur entier succès ne lui coûte que vous ;1360