Je veux que de ma main vous receviez la sienne.
Mais dites-moi, de grâce, attendant qu’elle vienne,
Par où me voulez-vous assurer votre foi ?
Et que seriez-vous prêt d’entreprendre pour moi ?
Car enfin elle est belle, elle peut tout séduire,
Et vous forcer vous-même à me vouloir détruire.
Faut-il vous immoler l’orgueil de Torrismond[1] ?
Faut-il teindre l’Arar[2] du sang de Sigismond ?
Faut-il mettre à vos pieds et l’un et l’autre trône ?
Ne dissimulez point, vous aimez Ildione,
Et proposez bien moins ces glorieux travaux
Contre mes ennemis que contre vos rivaux.
Ce prompt emportement et ces subites haines
Sont d’un amour jaloux les preuves trop certaines :
Les soins de cet amour font ceux de ma grandeur ;
Et si vous n’aimiez pas, vous auriez moins d’ardeur,
Voyez comme un rival est soudain haïssable,
Comme vers notre amour ce nom le rend coupable,
Comme sa perte est juste encor qu’il n’ose rien ;
Et sans aller si loin, délivrez-moi du mien.
Différez à punir une offense incertaine,
Et servez ma colère avant que votre haine.
Seroit-il sûr pour moi d’exposer ma bonté
À tous les attentats d’un amant supplanté ?
Vous-même pourriez-vous épouser une femme,
Et laisser à ses yeux le maître de son âme ?
S’il étoit trop à craindre, il faudroit l’en bannir.