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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/177

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ACTE IV, SCÈNE VI.

Souffrez que son excès tout entier se déploie,
Qu’il fasse voir aux miens celui de votre amour.

ARDARIC.

Vous allez soupirer, Madame, à votre tour,1380
À moins que votre cœur malgré vous se prépare
A n’avoir rien d’humain non plus que ce barbare.
Il me choisit pour vous ; c’est un honneur bien grand,
Mais qui doit faire horreur par le prix qu’il le vend.
À recevoir ma main pourrez-vous être prête,1385
S’il faut qu’à Valamir il en coûte la tête ?

ILDIONE.

Quoi ? Seigneur !

ARDARIC.

Quoi ? Seigneur !Attendez à vous en étonner
Que vous sachiez la main qui doit l’assassiner.
C’est à cet attentat la mienne qu’il destine,
Madame.

ILDIONE.

Madame.C’est par vous, Seigneur, qu’il l’assassine !1390

ARDARIC.

Il me fait son bourreau pour perdre un autre roi
À qui fait sa fureur la même offre qu’à moi.
Aux dépens de sa tête il veut qu’on vous obtienne ;
Ou lui donne Honorie aux dépens de la mienne :
Sa cruelle faveur m’en a laissé le choix.1395

ILDIONE.

Quel crime voit sa rage à punir en deux rois ?

ARDARIC.

Le crime de tous deux, c’est d’aimer deux princesses,
C’est d’avoir mieux que lui mérité leurs tendresses.
De vos bontés pour nous il nous fait un malheur,
Et d’un sujet de joie un excès de douleur.1400

ILDIONE.

Est-il orgueil plus lâche, ou lâcheté plus noire ?