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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/185

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ACTE V, SCÈNE III.
HONORIE.

Toujours…Achève, et dis que tu veux en tout lieu
Être l’effroi du monde, et le fléau de Dieu[1].
Étale insolemment l’épouvantable image
De ces fleuves de sang où se baignoit ta rage.15
Fais voir…

ATTILA.

Fais voir…Que vous perdez de mots injurieux
À me faire un reproche et doux et glorieux !
Ce dieu dont vous parlez, de temps en temps sévère,
Ne s’arme pas toujours de toute sa colère ;
Mais quand à sa fureur il livre l’univers,15
Elle a pour chaque temps des déluges divers.
Jadis, de toutes parts faisant regorger l’onde,
Sous un déluge d’eaux il abîma le monde ;
Sa main tient en réserve un déluge de feux
Pour le dernier moment de nos derniers neveux ;
Et mon bras, dont il fait aujourd’hui son tonnerre,
D’un déluge de sang couvre pour lui la terre.

HONORIE.

Lorsque par les tyrans il punit les mortels,
Il réserve sa foudre à ces grands criminels,
Qu’il donne pour supplice à toute la nature,15
Jusqu’à ce que leur rage ait comblé la mesure.
Peut-être qu’il prépare en ce même moment
À de si noirs forfaits l’éclat du châtiment,
Qu’alors que ta fureur à nous perdre s’apprête,
Il tient le bras levé pour te briser la tête,15
Et veut qu’un grand exemple oblige de trembler
Quiconque désormais t’osera ressembler.

ATTILA.

Eh bien ! en attendant ce changement sinistre,

  1. Voyez plus haut, p. 103, note 4.