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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/192

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ATTILA.

De ce sang renfermé la vapeur en furie
Semble avoir étouffé sa colère et sa vie ;
Et déjà de son front la funeste pâleur
N’opposoit à la mort qu’un reste de chaleur,
Lorsqu’une illusion lui présente son frère,1745
Et lui rend tout d’un coup la vie et la colère :
Il croit le voir suivi des ombres de six rois,
Qu’il se veut immoler une seconde fois ;
Mais ce retour si prompt de sa plus noire audace
N’est qu’un dernier effort de la nature lasse,1750
Qui prête à succomber sous la mort qui l’atteint,
Jette un plus vif éclat, et tout d’un coup s’éteint,
C’est en vain qu’il fulmine à cette affreuse vue :
Sa rage qui renaît en même temps le tue.
L’impétueuse ardeur de ces transports nouveaux1755
À son sang prisonnier ouvre tous les canaux ;
Son élancement perce ou rompt toutes les veines,
Et ces canaux ouverts sont autant de fontaines
Par où l’âme et le sang se pressent de sortir,
Pour terminer sa rage et nous en garantir.1760
Sa vie à longs ruisseaux se répand sur le sable ;
Chaque instant l’affoiblit, et chaque effort l’accable ;
Chaque pas rend justice au sang qu’il a versé,
Et fait grâce à celui qu’il avoit menacé.
Ce n’est plus qu’en sanglots qu’il dit ce qu’il croit dire ;1765
Il frissonne, il chancelle, il trébuche, il expire ;
Et sa fureur dernière, épuisant tant d’horreurs,
Venge enfin l’univers de toutes ses fureurs.


    xlix) : Redundansque sanguis… dum consuetis meatibus impeditur… cum exstinxit.