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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/229

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Qu’on me croit dans la paix un lion endormi :
Mon réveil incertain du monde fait l’étude ;
400Mon repos en tous lieux jette l’inquiétude ;
Et tandis qu’en ma cour les aimables loisirs
Ménagent l’heureux choix des jeux et des plaisirs,
Pour envoyer l’effroi sous l’un et l’autre pôle,
Je n’ai qu’à faire un pas et hausser la parole[1].
405Que de félicité, si mes vœux imprudents
N’étoient de mon pouvoir les seuls indépendants !
Maître de l’univers sans l’être de moi-même[2],
Je suis le seul rebelle à ce pouvoir suprême :
D’un feu que je combats je me laisse charmer,
410Et n’aime qu’à regret ce que je veux aimer.
En vain de mon hymen Rome presse la pompe :
J’y veux de la lenteur, j’aime qu’on l’interrompe,
Et n’ose résister aux dangereux souhaits
De préparer toujours et n’achever jamais.

FLAVIAN.

415Si ce dégoût, seigneur, va jusqu’à la rupture,

  1. « Le célèbre M. de Santeul, voulant composer des vers sur la campagne d’Hollande de 1672, crut ne pouvoir mieux faire que de traduire en latin ces huit vers (397-404)… Il présenta au Roi ses vers latins sous ce titre : Sur le départ du Roi, et mit à côté ceux de M. Corneille. » (Jolly, Avertissement du Théâtre de Corneille, p. LXIX et LXX.) — Santeul donne les vers 403 et 404 avec une double variante :
    Pour envoyer l’effroi sur l’un et l’autre pôle
    Je n’ai qu’à faire un pas et hausser ma parole.
    Voici sa traduction latine :
    REX ITER MEDITANS.
    Sic cæptis favet usque meis Victoria, ut hostes
    Me quoque pace data timeant, credantque leonem,
    Qui male sopitos premit alto corde furores,
    Ancipiti dudum meditans bella horrida somno ;
    Nec tam blanda Venus media dominatur in aula,
    Quin, Marti tantum annuerim, mox palleat orbis.
    (J. B. Santolii Victorini opera poetica. Paris, M.DC.XCIV, p. 211.)
  2. Ce vers est la contre-partie de celui que Corneille a placé dans la bouche d’Auguste (Cinna, acte V, scène ii, vers 1696) :
    Je suis maître de moi comme de l’univers.