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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/230

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Domitie aura peine à souffrir cette injure :
Ce jeune esprit, qu’entête et le sang de Néron[1]
Et le choix qu’en Syrie on fit de Corbulon[2],
S’attribue à l’empire un droit imaginaire,
420Et s’en fait, comme vous, un rang héréditaire.
Si de votre parole un manque surprenant
La jette entre les bras d’un homme entreprenant,
S’il l’unit à quelque âme assez fière et hautaine
Pour servir son orgueil et seconder sa haine,
425Un vif ressentiment lui fera tout oser :
En un mot, il vous faut la perdre, ou l’épouser.

TITE.

J’en sais la politique, et cette loi cruelle
A presque fait l’amour qu’il m’a fallu pour elle.
Réduit au triste choix dont tu viens de parler,
430J’aime mieux, Flavian, l’aimer que l’immoler,
Et ne puis démentir cette horreur magnanime
Qu’en recevant le jour je conçus pour le crime.
Moi qui seul des Césars me vois en ce haut rang
Sans qu’il en coûte à Rome une goutte de sang,
420Moi que du genre humain on nomme les délices[3],
Moi qui ne puis souffrir les plus justes supplices[4],
Pourrois-je autoriser une injuste rigueur
À perdre une héroïne à qui je dois mon cœur ?
Non : malgré les attraits de sa belle rivale,

  1. Voyez plus haut, p. 204, le vers 80 et la note.
  2. Voyez ci-dessus, p. 203, note.
  3. Suétone commence ainsi sa Vie de Titus : Titus… amor ac deliciæ generis humani ; et Eutrope, au livre VII de son Abrégé de l’Histoire romaine (chapitre xxi), dit au sujet du même empereur : Huic (Vespasiano) Titus filius successit… vir omnium virtutum genere mirabilis adeo, ut amor et deliciæ humani generis diceretur.
  4. « Il déclara qu’il n’acceptait le souverain pontificat qu’afin de conserver toujours ses mains pures. Il tint parole ; car depuis ce moment, il ne fut ni l’auteur ni le complice de la mort de personne. » Nec auctor posthac cujusquam necis, nec conscius. (Suétone, Titus, chapitre ix.)