Scène V.
Ô dieux ! est-ce, Madame, aux reines de surprendre ?
Quel accueil, quels honneurs peuvent-elles attendre,
Quand leur surprise envie au souverain pouvoir
Celui de donner ordre à les bien recevoir ?
Pardonnez-le, Seigneur, à mon impatience.
J’ai fait sous d’autres noms demander audience :
Vous la donniez trop tard à mes ambassadeurs ;
Je n’ai pu tant attendre à voir tant de grandeurs ;
Et quoique par vous-même autrefois exilée,
Sans ordre et sans aveu je me suis rappelée,
Pour être la première à mettre à vos genoux
Le sceptre qu’à présent je ne tiens que de vous,
Et prendre sur les rois cet illustre avantage
De leur donner l’exemple à vous en faire hommage.
Je ne vous dirai point avec quelles langueurs
D’un si cruel exil j’ai souffert les longueurs :
Vous savez trop…
Madame ; et pour me voir possesseur de l’empire,
Pour me rendre vos soins, je ne méritois pas
Que rien vous pût résoudre à quitter vos États,
Qu’une si grande reine en formât la pensée.
Un voyage si long vous doit avoir lassée.
Conduisez-la, mon frère, en son appartement[1].
- ↑ Voltaire (1764) fait suivre ce vers de l’indication : à Flavian et Albin.