Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/249

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Scène IV.

BÉRÉNICE, PHILON.
BÉRÉNICE.

Quel caprice, Philon, l’amène jusqu’ici
M’expliquer elle-même un si cuisant souci ?
Tite, après mon départ, l’auroit-il maltraitée ?

PHILON.

880Après votre départ il l’a soudain quittée,
Madame, et s’est défait de cet esprit jaloux
Avec un compliment encor plus court qu’à vous.

BÉRÉNICE.

Ainsi tout est égal : s’il me chasse, il la quitte ;
Mais ce peu qu’il m’a dit ne peut qu’il ne m’irrite :
885Il marque trop pour moi son infidélité.
Vois de ses derniers mots quelle est la dureté :
« Qu’on la serve, a-t-il dit, comme elle fut servie
Alors qu’elle faisoit le bonheur de ma vie[1]. »
Je ne le fais donc plus ! Voilà ce que j’ai craint.
890Il fait en liberté ce qu’il faisoit contraint.
Cet ordre de sortir, si prompt et si sévère,
N’a plus pour s’excuser l’autorité d’un père :
Il est libre, il est maître, il veut tout ce qu’il fait.

PHILON.

Du peu qu’il vous a dit j’attends un autre effet.
895Le trouble de vous voir auprès d’une rivale
Vouloit pour se remettre un moment d’intervalle ;
Et quand il a rompu sitôt vos entretiens,
Je lisois dans ses yeux qu’il évitoit les siens,
Qu’il fuyoit l’embarras d’une telle présence.
900Mais il vient à son tour prendre son audience,

  1. Voyez ci-dessus, p. 227, vers 642-644.