Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/262

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1180Sait mieux ce qu’elle veut que ce qu’il veut lui-même.
Mais puisque j’ai besoin d’expliquer mon courroux,
J’en veux à Bérénice, à l’Empereur, à vous :
À lui, qui n’ose plus m’aimer en sa présence ;
À vous, qui vous mettez de leur intelligence,
1185Et dont tous les amis vont servir un amour
Qui me rend à vos yeux la fable de la cour.
Si vous m’aimez, Seigneur, il faut sauver ma gloire,
M’assurer par vos soins une pleine victoire ;
Il faut…

DOMITIAN.

Il faut…Si vous croyez votre bonheur douteux,
1190Votre retour vers moi seroit-il si honteux ?
Suis-je indigne de vous ? Suis-je si peu de chose
Que toute votre gloire à mon amour s’oppose ?
Ne voit-on plus en moi ce que vous estimiez ?
Et suis-je moindre enfin qu’alors que vous m’aimiez ?

DOMITIE.

1195Non ; mais un autre espoir va m’accabler de honte,
Quand le trône m’attend, si Bérénice y monte.
Délivrez-en mes yeux, et prêtez-moi la main
Du moins à soutenir l’honneur du nom romain.
De quel œil verrez-vous qu’une reine étrangère…

DOMITIAN.

1200De l’œil dont je verrois que l’Empereur, mon frère,
En prît d’autres pour vous, ranimât son espoir,
Et pour se rendre heureux, usât de son pouvoir.

DOMITIE.

Ne vous y trompez pas : s’il me donne le change,
Je ne suis point à vous, je suis à qui me venge,
1205Et trouverai peut-être à Rome assez d’appui
Pour me venger de vous aussi bien que de lui.

DOMITIAN.

Et c’est du nom romain la gloire qui vous touche,