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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/273

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FLAVIAN.

L’irrésolution doit-elle être éternelle ?
Vous ne me dites plus que Domitie est belle,
Seigneur, vous qui disiez que ses seules beautés
1430Vous peuvent consoler de ce que vous quittez ;
Qu’elle seule en ses yeux porte de quoi contraindre
Vos feux à s’assoupir, s’ils ne peuvent s’éteindre.

TITE.

Je l’ai dit, il est vrai ; mais j’avais d’autres yeux,
Et je ne voyois pas Bérénice en ces lieux.

FLAVIAN.

1435Quand aux feux les plus beaux un monarque défère,
Il s’en fait un plaisir et non pas une affaire,
Et regarde l’amour comme un lâche attentat
Dès qu’il veut prévaloir sur la raison d’État.
Son grand cœur, au-dessus des plus dignes amorces,
1440À ses devoirs pressants laisse toutes leurs forces[1] ;
Et son plus doux espoir n’ose lui demander
Ce que sa dignité ne lui peut accorder.

TITE.

Je sais qu’un empereur doit parler ce langage ;
Et quand il l’a fallu, j’en ai dit davantage ;
1445Mais de ces duretés que j’étale à regret,
Chaque mot à mon cœur coûte un soupir secret ;
Et quand à la raison j’accorde un tel empire,
Je le dis seulement parce qu’il le faut dire,

  1. Ces six vers se trouvent déjà, avec quelques variantes çà et là, dans Sophonisbe, où Lélius dit à Massinisse (acte IV, scène III, vers 1373-1378) :
    Mais quand à cette ardeur un monarque défère,
    Il s’en fait un plaisir et non pas une affaire ;
    Il repousse l’amour comme un lâche attentat,
    Dès qu’il veut prévaloir sur la raison d’État ;
    Et son cœur, au-dessus de ces basses amorces,
    Laisse à cette raison toujours toutes ses forces.