Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/274

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Et qu’étant au-dessus de tous les potentats,
1450Il me seroit honteux de ne le dire pas.
De quoi s’enorgueillit un souverain de Rome,
Si par respect pour elle il doit cesser d’être homme,
Éteindre un feu qui plaît, ou ne le ressentir
Que pour s’en faire honte et pour le démentir ?
1455Cette toute-puissance est bien imaginaire,
Qui s’asservit soi-même à la peur de déplaire,
Qui laisse au goût public régler tous ses projets,
Et prend le plus haut rang pour craindre ses sujets.
Je ne me donne point d’empire sur leurs âmes,
1460Je laisse en liberté leurs soupirs et leurs flammes ;
Et quand d’un bel objet j’en vois quelqu’un charmé,
J’applaudis au bonheur d’aimer et d’être aimé.
Quand je l’obtiens du ciel, me portent-ils envie ?
Qu’ont d’amer pour eux tous les douceurs de ma vie ?
Et par quel intérêt…

FLAVIAN.

1465Et par quel intérêt…Ils perdroient tout en vous.
Vous faites le bonheur et le salut de tous,
Seigneur ; et l’univers, de qui vous êtes l’âme…

TITE.

Ne perds plus de raisons à combattre ma flamme :
Les yeux de Bérénice inspirent des avis
1470Qui persuadent mieux que tout ce que tu dis.

FLAVIAN.

Ne vous exposez donc qu’à ceux de Domitie.

TITE.

Je n’ai plus, Flavian, que quatre jours de vie :
Pourquoi prends-tu plaisir à les tyranniser ?

FLAVIAN.

Mais vous savez qu’il faut la perdre ou l’épouser ?

TITE.

1475En vain donc à ses vœux tout mon amour s’oppose ;