Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/276

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Scène II.

TITE, DOMITIE, FLAVIAN, PLAUTINE.
DOMITIE.

1490Je viens savoir de vous, Seigneur, ce que je suis.
J’ai votre foi pour gage, et mes aïeux pour marques
Du grand droit de prétendre au plus grand des monarques ;
Mais Bérénice est belle, et des yeux si puissants
Renversent aisément des droits si languissants.
1495Ce grand jour qui devait unir mon sort au vôtre,
Servira-t-il, Seigneur, au triomphe d’une autre ?

TITE.

J’ai quatre jours encor pour en délibérer,
Madame ; jusque-là laissez-moi respirer.
C’est peu de quatre jours pour un tel sacrifice ;
1500Et s’il faut à vos droits immoler Bérénice,
Je ne vous réponds pas que Rome et tous vos droits
Puissent en quatre jours m’en imposer les lois.

DOMITIE.

Il n’en faudroit pas tant, Seigneur, pour vous résoudre
À lancer sur ma tête un dernier coup de foudre,
1505Si vous ne craigniez point qu’il rejaillît[1] sur vous.

TITE.

Suspendez quelque temps encor ce grand courroux.
Puis-je étouffer sitôt une si belle flamme ?

DOMITIE.

Quoi ? vous ne pouvez pas ce que peut une femme ?
Que vous me rendez mal ce que vous me devez !
1510J’ai brisé de beaux fers, Seigneur, vous le savez ;
Et mon âme, sensible à l’amour comme une autre,
En étouffe un peut-être aussi fort que le vôtre.

  1. Voir plus haut, p. 239, note.