Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/482

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EURYDICE.

155Je suis trop curieuse et devrois mieux savoir
Ce qu’aux filles des rois un sujet peut devoir ;
Mais de pareils sujets, sur qui tout l’État roule,
Se font assez souvent distinguer de la foule ;
Et je sais qu’il en est qui, si j’en puis juger,
160Avec moins de respect savent mieux obliger.

PALMIS.

Je n’en sais point, Madame, et ne crois pas mon frère
Plus savant que sa sœur en un pareil mystère.

EURYDICE.

Passons. Que fait le prince ?

PALMIS.

Passons. Que fait le prince ?En véritable amant,
Doutez-vous qu’il ne soit dans le ravissement ?
165Et pourroit-il n’avoir qu’une joie imparfaite
Quand il se voit toucher au bonheur qu’il souhaite ?

EURYDICE.

Peut-être n’est-ce pas un grand bonheur pour lui,
Madame ; et j’y craindrois quelque sujet d’ennui.

PALMIS.

Et quel ennui pourroit mêler son amertume
170Au doux et plein succès du feu qui le consume ?
Quel chagrin a de quoi troubler un tel bonheur ?
Le don de votre main…

EURYDICE.

Le don de votre main…La main n’est pas le cœur.

PALMIS.

Il est maître du vôtre.

EURYDICE.

Il est maître du vôtre.Il ne l’est point, Madame ;
Et même je ne sais s’il le sera de l’âme :
175Jugez après cela quel bonheur est le sien.