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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/497

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EURYDICE.

Ah ! Ce n’est point pour moi que je rougis de honte.
Si j’ai pu faire un choix, je l’ai fait assez beau
Pour m’en faire un honneur jusque dans le tombeau ;
525Et quand je l’avouerai, vous aurez lieu de croire
Que tout mon avenir en aimera la gloire.
Je rougis, mais pour vous, qui m’osez demander
Ce qu’on doit avoir peine à se persuader ;
Et je ne comprends point avec quelle prudence
530Vous voulez qu’avec vous j’en fasse confidence,
Vous qui près d’un hymen accepté par devoir,
Devriez sur ce point craindre de trop savoir.

PACORUS.

Mais il est fait, ce choix qu’on s’obstine à me taire,
Et qu’on cherche à me dire avec tant de mystère ?

EURYDICE.

535Je ne vous le dis point ; mais si vous m’y forcez,
Il vous en coûtera plus que vous ne pensez.

PACORUS.

Eh bien ! Madame, eh bien ! sachons, quoi qu’il en coûte,
Quel est ce grand rival qu’il faut que je redoute.
Dites, est-ce un héros ? est-ce un prince ? est-ce un roi ?

EURYDICE.

540C’est ce que j’ai connu de plus digne de moi.

PACORUS.

Si le mérite est grand, l’estime est un peu forte.

EURYDICE.

Vous la pardonnerez à l’amour qui s’emporte :
Comme vous le forcez à se trop expliquer,
S’il manque de respect, vous l’en faites manquer.
545Il est si naturel d’estimer ce qu’on aime,
Qu’on voudroit que partout on l’estimât de même ;
Et la pente est si douce à vanter ce qu’il vaut,
Que jamais on ne craint de l’élever trop haut.