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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/508

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La gloire m’en demeure, et c’est l’unique prix
Que s’en est proposé le soin que j’en ai pris.
Si pourtant il vous plaît, Seigneur, que j’en demande
De plus dignes d’un roi dont l’âme est toute grande,
795La plus haute vertu peut faire de faux pas ;
Si la mienne en fait un, daignez ne le voir pas :
Gardez-moi des bontés toujours prêtes d’éteindre
Le plus juste courroux que j’aurois lieu d’en craindre ;
Et si…

ORODE.

Et si…Ma gratitude oseroit se borner
800Au pardon d’un malheur qu’on ne peut deviner,
Qui n’arrivera point ? et j’attendrois un crime
Pour vous montrer le fond de toute mon estime ?
Le ciel m’est plus propice, et m’en ouvre un moyen
Par l’heureuse union de votre sang au mien :
805D’avoir tant fait pour moi ce sera le salaire.

SURÉNA.

J’en ai flatté longtemps un espoir téméraire ;
Mais puisqu’enfin le prince…

ORODE.

Mais puisqu’enfin le prince…Il aima votre sœur,
Et le bien de l’État lui dérobe son cœur :
La paix de l’Arménie à ce prix est jurée.
810Mais l’injure aisément peut être réparée ;
J’y sais des rois tous prêts[1] ; et pour vous, dès demain,
Mandane, que j’attends, vous donnera la main.
C’est tout ce qu’en la mienne ont mis des destinées
Qu’à force de hauts faits la vôtre a couronnées.

SURÉNA.

815À cet excès d’honneur rien ne peut s’égaler ;

  1. Ici encore Thomas Corneille (1692) et Voltaire (1764) donnent : « tout prêts. » Comparez plus haut, p. 488, vers 600 et 610.