Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/507

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Je me fais un malheur d’être trop absolu.
Je tiens toute l’Asie et l’Europe en alarmes,
770Sans que rien s’en impute à l’effort de mes armes ;
Et quand tous mes voisins tremblent pour leurs États,
Je ne les fais trembler que par un autre bras.
J’en tremble enfin moi-même, et pour remède unique,
Je n’y vois qu’une basse et dure politique,
775Si Mandane, l’objet des vœux de tant de rois,
Se doit voir d’un sujet le rebut ou le choix.

SILLACE.

Le rebut ! Vous craignez, Seigneur, qu’il la refuse ?

ORODE.

Et ne se peut-il pas qu’un autre amour l’amuse,
Et que rempli qu’il est d’une juste fierté,
780Il n’écoute son cœur plus que ma volonté ?
Le voici ; laissez-nous.



Scène II[1].

ORODE, SURÉNA.
ORODE.

Le voici ; laissez-nous.Suréna, vos services
(Qui l’aurait osé croire ?) ont pour moi des supplices :
J’en ai honte, et ne puis assez me consoler
De ne voir aucun don qui les puisse égaler.
785Suppléez au défaut d’une reconnoissance
Dont vos propres exploits m’ont mis en impuissance ;
Et s’il en est un prix dont vous fassiez état,
Donnez-moi les moyens d’être un peu moins ingrat.

SURÉNA.

Quand je vous ai servi, j’ai reçu mon salaire,
790Seigneur, et n’ai rien fait qu’un sujet n’ait dû faire ;

  1. Cette scène rappelle en plus d’un endroit la ire scène du IIIe acte d’Agésilas.