Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/528

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SURÉNA.

De moi, seigneur ?

PACORUS.

1270De moi, seigneur ?De vous. Il n’est plus temps de feindre :
Malgré tous vos détours on sait la vérité ;
Et j’attendois de vous plus de sincérité,
Moi qui mettois en vous ma confiance entière,
Et ne voulois souffrir aucune autre lumière.
1275L’amour dans sa prudence est toujours indiscret ;
À force de se taire il trahit son secret :
Le soin de le cacher découvre ce qu’il cache,
Et son silence dit tout ce qu’il craint qu’on sache.
Ne cachez plus le vôtre, il est connu de tous,
1280Et toute votre adresse a parlé contre vous.

SURÉNA.

Puisque vous vous plaignez, la plainte est légitime,
Seigneur ; mais après tout j’ignore encor mon crime.

PACORUS.

Vous refusez Mandane avec tant de respect,
Qu’il est trop raisonné pour n’être point suspect.
1285Avant qu’on vous l’offrît vos raisons étoient prêtes,
Et jamais on n’a vu de refus plus honnêtes ;
Mais ces honnêtetés ne font pas moins rougir :
Il falloit tout promettre, et la laisser agir ;
Il falloit espérer de son orgueil sévère
1290Un juste désaveu des volontés d’un père,
Et l’aigrir par des vœux si froids, si mal conçus,
Qu’elle usurpât sur vous la gloire du refus.
Vous avez mieux aimé tenter un artifice
Qui pût mettre Palmis où doit être Eurydice,
1295En me donnant le change attirer mon courroux,
Et montrer quel objet vous réservez pour vous.
Mais vous auriez mieux fait d’appliquer tant d’adresse
À remettre au devoir l’esprit de la princesse :