Et tiennent près des rois de secrets mécontents.
Un sujet qui se voit le rival de son maître,
Quelque étude qu’il perde à ne le point paroître,
Ne pousse aucun soupir sans faire un attentat ;
Et d’un crime d’amour il en fait un d’État.
Il a besoin de grâce, et surtout quand on l’aime
Jusqu’à se révolter contre le diadème,
Jusqu’à servir d’obstacle au bonheur général.
Oui ; mais quand de son maître on lui fait un rival ;
Qu’il aimoit[1] le premier ; qu’en dépit de sa flamme,
Il cède, aimé qu’il est, ce qu’adore son âme ;
Qu’il renonce à l’espoir, dédit sa passion :
Est-il digne de grâce, ou de compassion ?
Qui cède ce qu’il aime est digne qu’on le loue ;
Mais il ne cède rien, quand on l’en désavoue ;
Et les illusions d’un si faux compliment
Ne méritent qu’un long et vrai ressentiment.
Et déjà vous passez jusques à la menace !
La grâce est aux grands cœurs honteuse à recevoir ;
La menace n’a rien qui les puisse émouvoir.
Tandis que hors des murs ma suite est dispersée,
Que la garde au dedans par Sillace est placée,
Que le peuple s’attend à me voir arrêter,
Si quelqu’un en a l’ordre, il peut l’exécuter.
Qu’on veuille mon épée, ou qu’on veuille ma tête,
Dites un mot, Seigneur, et l’une et l’autre est prête :
Je n’ai goutte de sang qui ne soit à mon roi ;
Et si l’on m’ose perdre, il perdra plus que moi.
- ↑ L’édition de 1692 a changé Qu’il aimoit en Qu’il aime.