Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/531

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J’ai vécu pour ma gloire autant qu’il falloit vivre,
Et laisse un grand exemple à qui pourra me suivre ;
Mais si vous me livrez à vos chagrins jaloux,
1360Je n’aurai pas peut-être assez vécu pour vous.

PACORUS.

Suréna, mes pareils n’aiment point ces manières :
Ce sont fausses vertus que des vertus si fières.
Après tant de hauts faits et d’exploits signalés,
Le Roi ne peut douter de ce que vous valez ;
1365Il ne veut point vous perdre : épargnez-vous la peine
D’attirer sa colère et mériter ma haine ;
Donnez à vos égaux l’exemple d’obéir,
Plutôt que d’un amour qui cherche à vous trahir.
Il sied bien aux grands cœurs de paroître intrépides,
1370De donner à l’orgueil plus qu’aux vertus solides ;
Mais souvent ces grands cœurs n’en font que mieux leur cour[1]
À paroître au besoin maîtres de leur amour.
Recevez cet avis d’une amitié fidèle.
Ce soir la Reine arrive, et Mandane avec elle.
1375Je ne demande point le secret de vos feux ;
Mais songez bien qu’un roi, quand il dit : « Je le veux… »
Adieu : ce mot suffit, et vous devez m’entendre.

SURÉNA.

Je fais plus, je prévois ce que j’en dois attendre :
Je l’attends sans frayeur ; et quel qu’en soit le cours,
1380J’aurai soin de ma gloire ; ordonnez de mes jours.


FIN DU QUATRIÈME ACTE.
  1. L’édition de 1692 porte : « ne font que mieux leur cour. »