issant :
J’y vais, mais, par pitié, souvenez-vous vous-même
Des troubles d’un amant qui craint pour ce qu’il aime,
Et qui n’a pas pour feindre assez de liberté
Tant que pour son objet il est inquiété.
Marcelle
Allez sans plus rien craindre, ayant pour vous Marcelle.
Scène VI
Marcelle, Stéphanie
Stéphanie
Enfin vous triomphez de cet esprit rebelle.
Marcelle
Quel triomphe !
Stéphanie
Est-ce peu que de voir à vos pieds
Sa haine et son orgueil enfin humiliés ?
Marcelle
Quel triomphe, te dis-je, et qu’il a d’amertumes !
Et que nous sommes loin de ce que tu présumes !
Tu le vois à mes pieds pleurer, gémir, prier,
Mais ne crois pas pourtant le voir s’humilier,
Ne crois pas qu’il se rende aux bontés qu’il implore,
Mais vois de quelle ardeur il aime Théodore,
Et juge quel pouvoir cet amour a sur lui,
Puisqu’il peut le réduire à chercher mon appui :
Que n’oseront ses feux entreprendre pour elle,
S’ils ont pu l’abaisser jusqu’aux pieds de Marcelle ?
Et que dois-je espérer d’un cœur si fort épris,
Qui, même en m’adorant, me fait voir ses mépris ?
Dans ses soumissions vois ce qui l’y convie,
Mesure à son amour sa haine pour Flavie,
Et, voyant l’un et l’autre en son abaissement,
Juge de mon triomphe un peu plus sainement :
Vois dans on triste effet sa ridicule pompe ;
J’ai peine en triomphant d’obtenir qu’il me trompe,
Qu’il feigne par pitié, qu’il donne un faux espoir.
Stéphanie
Et vous l’allez servir de tout votre pouvoir ?
Marcelle
Oui, je vais le servir, mais comme il le mérite.
Toi, va par quelque adresse amuser sa visite
Et sous un faux appât prolonger l’entretien.
Stéphanie
Donc…
Marcelle
Le temps presse. Va, sans t’informer de rien.
Acte IV
Scène première
Placide, Stéphanie, sortant de chez Marcelle.
Stéphanie
Seigneur…
Placide
Va, Stéphanie, en vain tu me rappelles,
Ces feintes ont pour moi des gênes trop cruelles ;
Marcelle en ma faveur agit trop lentement,
Et laisse trop durer cet ennuyeux moment.
Pour souffrir plus longtemps un supplice si rude,
J’ai trop d’impatience et trop d’inquiétude ;
Il faut voir Théodore, il faut savoir mon sort,
Il faut…
Stéphanie
Ah ! Faites-vous, Seigneur, un peu d’effort.
Marcelle, qui vous sert de toute sa puissance,
Mérite bien du moins cette reconnaissance.
Retournez chez Flavie attendre un bien si doux,
Et ne craignez plus rien, puisqu’elle agit pour vous.
Placide
L’effet tarde beaucoup pour n’avoir rien à craindre :
Elle feignait peut-être en me priant de feindre ;
On retire souvent le bras pour mieux frapper ;
Qui veut que je la trompe a droit de me tromper.
Stéphanie
Considérez l’humeur implacable d’un père,
Quelle est pour les chrétiens sa haine et sa colère,
Combien il faut de temps afin de l’émouvoir.
Placide
Hélas ! Il n’en faut guère à trahir mon espoir.
Peut-être, en ce moment qu’ici tu me cajoles,
Que tu remplis mon cœur d’espérances frivoles,
Ce rare et cher objet, qui fait seul mon destin,
Du soldat insolent est l’indigne butin.
Va flatter, si tu veux, la douleur de Flavie,
Et me laisse éclaircir de l’état de ma vie ;
C’est trop l’abandonner à l’injuste pouvoir.
Ouvrez, Paulin, ouvrez, et me la faites voir.
On ne me répond point, et la porte est ouverte !
Paulin ! Madame !
Stéphanie
O dieux ! La fourbe est découverte.
Où fuirai-je ?
Placide
Demeure, infâme, et ne crains rien.
Je ne veux pas d’un sang abject comme le tien ;
Il faut à mon courroux de plus nobles v