Qui vous fait douter de sa foi,
Vient de leur mésintelligence,
Et dans le fond de l’âme il vit sous votre loi.
À tous hasards, ma sœur, comme j’en suis mal sûre,
Si vous me pouviez faire un don de votre amant,
Je crois que je pourrais l’accepter sans murmure.
Vous venez de parler du mien si dignement…
Aimeriez-vous Cotys, ma sœur ?
Moi ? Nullement.
Pourquoi donc vouloir qu’il vous aime ?
Les hommages qu’Agésilas
Daigna rendre en secret au peu que j’ai d’appas,
M’ont si bien imprimé l’amour du diadème,
Que pourvu qu’un amant soit roi,
Il est trop aimable pour moi.
Mais sans trône on perd temps : c’est la première idée
Qu’à l’amour en mon cœur il ait plu de tracer ;
Il l’a fidèlement gardée,
Et rien ne peut plus l’effacer.
Chacune a son humeur : la grandeur souveraine,
Quelque main qui vous l’offre, est digne de vos feux ;
Et vous ne ferez point d’heureux
Qui de vous ne fasse une reine.
Moi, je m’éblouis moins de la splendeur du rang ;
Son éclat au respect plus qu’à l’amour m’invite :
Cet heureux avantage ou du sort ou du sang
Ne tombe pas toujours sur le plus de mérite.
Si mon cœur, si mes yeux en étaient consultés,
Leur choix irait à la personne,
Et les hautes vertus, les rares qualités
L’emporteraient sur la couronne.
Avouez tout, ma sœur : Spitridate vous plaît.
Un peu plus que Cotys ; et si votre intérêt
Vous pouvait résoudre à l’échange…
Qu’en pouvons-nous ici résoudre vous et moi ?
En l’état où le ciel nous range,
Il faut l’ordre d’un père, il faut l’aveu d’un roi,
Que je plaise à Cotys, et vous à Spitridate.
Pour l’un je ne sais quoi m’en flatte,
Pour l’autre je n’en réponds pas ;
Et je craindrais fort que Mandane,
Cette incomparable Persane,
N’eût pour lui des attraits plus forts que vos appas.
Ma sœur, Spitridate est son frère,
Et si jamais sur lui vous aviez du pouvoir…
Le voilà qui nous considère.
Est-ce vous ou moi qu’il vient voir ?
Voulez-vous que je vous le laisse ?
Ma sœur, auparavant engagez l’entretien ;
Et s’il s’en offre lieu, jouez d’un peu d’adresse,
Pour votre intérêt et le mien.
Il est juste en effet, puisqu’il n’a su me plaire,
Que je vous aide à m’en défaire.
Scène II
Seigneur, je me retire : entre les vrais amants
Leur amour seul a droit d’être de confidence,
Et l’on ne peut mêler d’agréable présence
A de si précieux moments.
Un vertueux amour n’a rien d’incompatible
Avec les regards d’une sœur.
Ne m’enviez point la douceur
De pouvoir à vos yeux convaincre une insensible :
Soyez juge et témoin de l’indigne succès
Qui se prépare pour ma flamme ;
Voyez jusqu’au fond de mon âme
D’une si pure ardeur où va le digne excès ;
Voyez tout mon espoir au bord du précipice ;
Voyez des maux sans nombre et hors de guérison ;
Et quand vous aurez vu toute cette injustice,
Faites m’en un peu de raison.
Si vous me permettez, Seigneur, de vous entendre,
De l’air dont votre amour commence à m’accuser,
Je crains que pour en bien user
Je ne me doive mal défendre.
Je sais bien que j’ai tort, j’avoue et hautement
Que ma froideur doit vous déplaire ;
Mais en cette froideur un heureux changement
Pourrait-il fort vous satisfaire ?
En doutez-vous, Madame, et peut-on concevoir… ?
Je vous entends, Seigneur, et vois ce qu’il faut voir :
Un aveu plus précis est d’une conséquence
Qui pourrait vous embarrasser ;
Et même à notre sexe il est de bienséance
De ne pas trop vous en presser.
À