Ma sœur, l’amour vaincra sans doute :
Ce héros est à vous, quelques lois qu’il redoute ;
Et si par la prière il ne les peut fléchir,
Ses victoires auront de quoi l’en affranchir.
Ces lois, ces mêmes lois s’imposeront silence
À l’aspect de tant de vertus ;
Ou Sparte l’avouera d’un peu de violence,
Après tant d’ennemis à ses pieds abattus.
C’est vous flatter beaucoup en faveur d’Elpinice,
Que ce prince après tout ne vous peut accorder
Sans une éclatante injustice,
À moins que vous ayez l’aveu de Lysander.
D’ailleurs en exiger un hymen qui le gêne,
Et lui faire des lois au milieu de sa cour,
N’est-ce point hautement lui demander sa haine,
Quand vous lui promettez l’objet de son amour ?
Si vous saviez, ma sœur, aimer autant que j’aime…
Si vous saviez, mon frère, aimer comme je fais,
Vous sauriez ce que c’est que s’immoler soi-même,
Et faire violence à de si doux souhaits.
Je vous en parle en vain. Allez, frère barbare,
Voir à quoi Lysander se résoudra pour vous ;
Et si d’Agésilas la flamme se déclare,
J’en mourrai, mais je m’y résous.
Scène III
Vous me quittez, Seigneur ; mais vous croyez-vous quitte,
Et que ce soit assez que de me rendre à moi ?
Après tant de froideurs pour mon peu de mérite,
Est-ce vous mal servir que reprendre ma foi ?
Non ; mais le pouvez-vous, à moins que je la rende ?
Et si je vous la rends, savez-vous à quel prix ?
Je ne crois pas pour vous cette perte si grande,
Que vous en souhaitiez d’autre que vos mépris.
Moi, des mépris pour vous !
C’est ainsi que j’appelle
Un feu si bien promis, et si mal allumé.
Si je ne vous aimais, je vous aurais aimé,
Mon devoir m’en était un garant trop fidèle.
Il ne vous répondait que d’agir un peu tard,
Et laissait beaucoup au hasard.
Votre ordre cependant vers une autre me chasse,
Et vous avez quitté la place à votre sœur.
Si je vous ai donné de quoi remplir la place,
Ne me devez-vous point de quoi remplir mon cœur ?
J’en suis au désespoir ; mais je n’ai point de frère
Que je puisse à mon tour vous prier d’accepter.
Si vous n’en avez point par qui me satisfaire,
Vous avez une sœur qui vous peut acquitter :
Elle a trop d’un amant ; et si sa flamme heureuse
Me renvoyait celui dont elle ne veut plus,
Je ne suis point d’humeur fâcheuse,
Et m’accommoderais bientôt de ses refus.
De tout mon cœur je l’en conjure :
Envoyez-lui Cotys, ou même Agésilas,
Ma sœur, et prenez soin d’apaiser ce murmure,
Qui cherche à m’imputer des sentiments ingrats.
Je vous laisse entre vous faire ce grand partage,
Et vais chez Lysander voir quel sera le mien.
Madame, vous voyez, je ne puis davantage ;
Et qui fait ce qu’il peut n’est plus garant de rien.
Scène IV
Vous pourrez-vous résoudre à payer pour ce frère,
Madame, et de deux rois daignant en choisir un,
Me donner en sa place, ou le plus importun,
Ou le moins digne de vous plaire ?
Hélas !
Je n’entends pas des mieux
Comme il faut qu’un hélas s’explique ;
Et lorsqu’on se retranche au langage des yeux,
Je suis muette à la réplique.
Pourquoi mieux expliquer quel est mon déplaisir ?
Il ne se fait que trop entendre.
Si j’avais comme vous de deux rois à choisir,
Mes déplaisirs auraient peu de chose à prétendre.
Parlez donc, et de bonne foi :
Acquittez par ce choix Spitridate envers moi.
Ils sont tous deux à vous.
Je n’y suis pas moi-même.